Ma vocation artistique a toujours suivi le chemin de la terre.
Grâce à de nombreuses années d’études de céramique, j’ai pu m’approprier les techniques traditionnelles et découvrir certaines des subtilités et des mystères cachés de la terre.
Suite à mes études j’ai eu l’opportunité de travailler dans la manufacture de La Poterie RAVEL, fondée en 1837, ce qui m’a formée à des méthodes de façonnage anciennes et m’a transmise un soupçon des savoir-faires ancestraux. Ce savoir-faire me permet maintenant d’explorer de nouvelles textures, des formes et des assembalges d’émaux dans un esprit de recherche artistique. Mes collaborations avec de nombreux artistes de disciplines variées (illustration, scénographie, musique, design, photographie etc…) ont développé chez moi une ouverture et une curiosité qui furent fructueuses pour ma recherche créative.
Ayant travaillé dans de multiples pays de l’Europe, je cherche aussi à incorporer un peu de chaque culture dans mes pièces. J’aimerais croire que chaque création a absorbé une part de la richesse culturelle et de l’histoire des pays que j’ai eu l’occasion de fréquenter.
Pour moi, créer des pièces de céramique à la main représente une vraie connexion avec mon entourage : les matières sont puisées localement, leur façonnage est fait au cœur de la ville, et la cuisson est presque unique pour chaque pièce. L’émail est conçu dans mon laboratoire et je suis toujours à la recherche de nouveaux mélanges pour agrandir ma gamme chromatique.
 Je couple dans ma pratique dessins et volumes céramiques .
De ce jeu de réponse entre la fragilité du papier et la matérialité du grès s’initie un espace de signes, traces éparses ; ma pratique céramique développe une série de pièces en grès émaillé : trophée évoquant l’arme, l’outil, la branche, le pot … Les dessins, sur feuilles épinglées au mur, illustrent et détournent, invoquent et dansent autour.
Mon travail s’origine de l’objet. Objet usuel, quotidien, domestique: ici cuillère et bouteille. Je les hybride et les transfigure par leur technique même de façonnage, qui joue de multiples collage, accros et rajouts. Dans usule j’entend usure…
Le terme de « trophée », qui pourrait désigner chacune de mes pièces, convoque àa la fois dépouille et butin; cela témoigne d’une sorte de violence ou de contrainte dont chacune se souvient et porte trace.
« Sunt lacrimae rerum ».
Cet espace est polyvalent. J’y accumule toutes mes recherches plastiques et théoriques tout en étant ponctué par des moments de rencontres et de présentations. L’organisation interne se mue au gré des besoins : prises de vues, réalisations de plâtres, ou encore se vide de son entier pour laisser place nette et afin de tout repenser à nouveau.
Mon travail de modelage se veut pétillant et sans prétention. L’argile me propose un immense champ des possibles où mon imagination se régale à vagabonder. Au fil des textures rencontrées, provoquées, je sollicite la conversation des terres, de la porcelaine, du fer. Les contrastes s’harmonisent avec minutie, le brut côtoie le doux, la matière devient légère. Les techniques virevoltent pour laisser s’exprimer un univers poétique, un appel aux rêves, aux histoires racontées. Melting-pot de finesse, de force, d’humour, de clins d’œil et de gaieté, mon travail s’articule autour de l’équilibre. Parfois subtile, parfois aisé, il est la photographie de l’instant, faisant lui-même appel à celui d’après, celui du mouvement.
Loin des spéculations sur l’esprit et la matière, l’art et l’artisanat, la beauté et l’utilité. Je travaille sur l’objet pour lui donner vie dans l’alliage des matières, la juxtaposition des tons, l’ombre et la lumière. Chaque pièce (unique) devient équilibre, harmonie entre création artistique, design unique, décoration personnalisée. La terre céramique travaillée, sculptée, modelée, émaillée, associée ou fusionnée à d’autres matériaux (métaux, fer, bois, tissus…) devient l’objet décoratif et contemporain dont chaque espace se nourrit pour mieux respirer.
Un jour d’octobre 1999, j’ai mis la première fois les mains dans l’argile, matériau qui m’a de suite happé pour ne plus me lâcher. Vingt années sont passées et enfin fraîchement installée au Séchoir, je peux faire de ma passion, mon métier.
Mon travail en tant que céramiste s’articule comme un langage formel autour d’émotions et de sentiments intimes. J’ai le goût de l’esthétisme, de la couleur et du décors. J’aime le beau et la représentation explicite, qui me permettent d’exprimer des ressentis en les sublimant dans la matière et ce de manière plus explicite que par l’oralité.
Une fois dans dans mon atelier, je suis guidée par le plaisir et par la spontanéité. Chaque jour est différent … Je peux voguer de la caricature moqueuse et tendre à la représentation académique. Je cherche jusqu’à ce que mes personnages prennent vie. Par plaisir de perpétuer un art ancestral proche de notre quotidien, je crée aussi des objets utilitaires, mais l’humour et la spontanéité sont toujours là … J’aime me surprendre.
Démarche artistique
Je développe un travail oscillant souvent entre le jeu et la mise en avant d’une réalité où l’humour peut retentir comme un écho à l’adversité des choses. Au travers de récits bercés d’une insouciante légèreté, le temps semble s’être arrêté mais nous sommes invités à suivre le mouvement.
Bâtir des forêts, ériger des ponts fragiles, faire résonner des tours de papier ponts sont des actions potentielles.
En jouant sur des territoires en pleine mutation, je questionne notre rapport au monde et ses potentialités.
Je me laisse surprendre par la matière, pris dans une nouvelle temporalité, saisi par un bouleversement qui ne saurait témoigner des évènements à venir.