Anne Wicky

Tout est bruyant et flou, emmêlé. Je tournoie dans l’atelier, par bouts d’ellipses, tâtant l’air, la lumière, le bazar. J’attends la fulgurance. Je pense ; la matière et l’esprit sont liés. Combien faut-il de clous pour reboucher un cœur ? Le bleu cobalt me donne envie de courir nue entre les glaces. L’Indigo m’épaissit le sang, le rend velours. J’entre à petits pas dans le rythme du temps géologique. Celui où la matière se forme. J’ai le temps avec moi. Je me débarrasse. Je peins avec la matière, cherche à tâtons l’impact dans l’inhérent. Mets le hors-champ dans le champ. Je peins sans artifice, avec un œil sous terre, ouvert. Comme un caillou âgé de cinquante ans, de cinq cent mille ans. Un caillou de l’espace. La peinture est une entreprise de clarification. Quand le temps le permet ; j’embrasse les pierres salue les arbres caresse l’air, libre. Tel est le but, s’il en faut.

Peter Ross Bond

Calm waters that nurture trees surging strongly branches that reach to flights of freedom dark ranges surrounding fluttering refractions under skies connected by blood.

Marius Pons de Vincent

L’atelier est le lieux, le support et le sujet de mes peintures. Au cours du travail, des choses tombent. Impressions sur papier A4 souillées ou chiffons raidis par la matière, les chutes s’entassent dans l’atelier. Elles ont été les consommables utiles à la fabrication d’une peinture. Certaines deviennent le sujet d’un prochain tableau et à nouveau, des choses tombent. Mon travail produit des déchets dont il s’alimente par la suite. Je peins sur du bois apprêté à la colle de peau et à la craie, sur mes chiffons tachés que je tends sur châssis et que j’encolle, sur le verre, sous le verre, souvent celui de mes palettes. Il m’arrive de compter jusqu’à neuf tableaux en cours. Cela me permet de penser à la fois à la raideur d’un portrait de Memling, aux couleurs de Martial Raysse, à Robocop, à Malcolm Morley, à des erreurs d’impressions, à Mondrian, à Christian Schad, à Franck Stella… J’aime travailler à la grisaille dun drapé tout en réfléchissant à un moyen de peindre comme une imprimante. Des « familles » de tableaux naissent de la diversité des supports. Ces ensembles ont des formes différentes mais sont cependant perméables les uns aux autres. Il y a des traits communs. J’ai, par exemple, régulièrement recours au trompe l’oeil. Je cherche à faire passer la peinture pour ce qu’elle n’est pas: du papier, du scotch, une impression jet d’encre… Dans la série Studio et dans Un café à l’atelier, j’intègre dans l’espace que je peins l’image imprimée dont je me suis servi comme modèle. Je reproduis la feuille à échelle un, scotchée au mur. Je confronte ainsi l’échelle de la scène représentée à celle du A4, d’un bout de ruban adhésif, du réel. Un objet dont la place est en coulisse se trouve dans le cadre. En rapprochant la mise en scène du tableau et celle de sa fabrique, je veille à ce que le travail du peintre soit aussi le sujet.

Camille Brès

Je peins à l’huile sur toile ou à la gouache sur papier. Je peins d’après des photos prises à l’extérieur ou en studio. Je mets en scène mes proches en m’inspirant, de grands tableaux de l’histoire de l’art, de la publicité ou de concepts psychanalytiques. Dans tous les cas, il est question de problématiques intimes et les mises en scène me permettent de mettre une distance, un filtre, pour que ces données personnelles deviennent des sujets. Je peins directement ce que je vois dans mon atelier: L’espace, les outils, les objets, la plante verte. Je peins des autoportraits. La peinture me permet, grâce à ses différents états, de créer l’illusion d’une unité, alors que je compose mes images avec des éléments provenant de sources diverses. Je prends les décisions de couleurs, de formes ou de traitements en peignant, un choix en entraînant un autre. J’use de la matière picturale, de sa capacité à recouvrir, à voiler, à colorer, pour créer une unité artificielle. Puisque je laisse beaucoup de place à ce qui advient pendant le temps même de la peinture, en général, les idées premières ne résistent pas longtemps. Les sujets sérieux ou affectifs basculent dans l’absurde, ceux plus légers gagnent en gravité. Cette mécanique découle, à mon avis, de l’ambivalence des sentiments que m’inspire le monde.

Pauline Dubost

La peinture sous verre est merveilleuse. Le verre donne au tableau une lumière étincelante, les couleurs sont éclatantes. On plonge dans le tableau, ses couches, ses transparences et dans les eléments. Vivants et organiques, ils composent le tableau en harmonie avec la figure. J’aime quand la peinture raconte une histoire, qu’elle oscille entre réel et monde rêvé, que le spectateur se perde dans un univers un peu chaotique mais toujours tendre.  Les repères propres à la figuration, nous rattachent à nos souvenirs. Les eléments, au traitement plus  abstrait, sont plus sensuels et sensoriels.  Je joue à perturber les sensations du réel par la peinture et son traitement plastique, par la couleur et avec la lumière.  J’ai trouvé en la peinture à l’huile sous verre l’extase de peindre. Ouais, carrément. Elle est devenue « mon médium ». Fabuleuse technique, elle me donne envie de travailler, d’expérimenter, de chercher, de comprendre et de m’émerveiller inlassablement.

Valérie Demenge

De son oeil d’artiste formé dès le plus jeune âge, Valérie Demenge a gardé une sensibilité particulière pour capter et retranscrire les lieux qui l’entoure. Avec ses études d’architecture d’intérieur à Camondo, ce sont d’abord des lignes et des perspectives saisis sur des croquis qui se projettent sur des aquarelles aux couleurs méditerranéennes et pastels. De ces ébauches résultent des toiles abstraites travaillées entre Paris et l’Alsace qui, avec le temps, se sont désagrégées en un ballet de formes et de contrastes diffus. La technique de l’huile et des textures font alors cohabiter l’ombre et la lumière. L’étude des espaces de vie quotidiens fait naitre des constructions éphémères auxquelles les tableaux de Valérie Demenge peuvent rendre une vie durable. En partant de la contemplation d’un intérieur, de la nature (avec les arbres et les châteaux des forêts vosgiennes) ou de la ville (des toits de Paris ou Rome aux grattes-ciels de Chicago ou aux ponts de Porto), c’est la même lumière universelle qu’essaye de transmettre Valérie Demenge qui considère ses tableaux comme des « passeurs de lumière ».

Magalie Ors

Après une formation universitaire de trois ans, Je me consacrais à mes propres expérimentations. Pour moi la matière picturale n’est pas prédéfinie, mais présente dans tout. Ma sensibilité me poussant vers des techniques éthérées, non immédiates et en perpétuelle évolution, je me suis tournée vers une technique mixte à l’encre, à l’acrylique parfois, et au papier collé, arraché, gratté, déchiré, superposé. La vision du paysage s’impose d’emblée comme un référent, un champ d’expérimentation et d’expression. Bien qu’omniprésent et commun à tous, le paysage côtoie l’intime, le particulier, le souvenir, l’émotion. Je travaille souvent d’après une photo. L’image se retrouve alors nue et brute. Un souvenir se superpose à un moment ou à un autre et imprime une émotion, et l’image retrouve avec la peinture, substance et présence physique. Ce mécanisme d’éloignement et de rapprochement successif apporte la distance nécessaire pour revenir à l’essentiel, à l’essence du paysage.

Agnès Weill

Mon travail est une exploration récurrente de la couleur, une expérimentation de superpositions, de juxtapositions, de transparences. La réalité n’est qu’un point de départ, prétexte à faire infuser et diffuser les couleurs. J’aime travailler vite, de manière « jetée », peindre des séries en parallèle parce qu’il faut explorer tous les possibles. Mes gestes tantôt amples, tantôt saccadés font se confronter et s’accorder (parfois, j’espère) taches et graphismes. En peinture, j’utilise des pigments et une émulsion (dite de Wacker), à la recherche de transparences. Parmi les infinies possibilités techniques de la gravure, j’aime le bois « à plaque perdue », avec ses superpositions de couleurs, ses passages successifs plus ou moins bien calés, comme autant d’occasion d’accidents. Sur le zinc, je pratique l’aquatinte et l’eau forte, façons de continuer mes recherches sur les rapports entre lignes, valeurs et textures.Dans mon musée imaginaire j’ai déjà mis : les ciels d’Eugène Boudin, les fenêtres (ouvertes) de Pierre Bonnard, les gravures sur bois de Munch et … beaucoup de peintures de Per Kirkeby.

Philippe Ketterlin

Philippe Ketterlin : liberté, l’envisagée dévisagée. Peindre, c’est se libérer, décrire, c’est déformer… les œuvres de Philippe Ketterlin, bien que souvent dites « figuratives » ne se décrivent pas, ne s’analysent pas : elles se vivent. Elles nous sautent à la gueule, nous mettent les larmes aux yeux, nous remplissent d’effroi ou nous font rayonner : peu importe, elles sont là et nous transportent, dans le mouvement, la grâce, la force et l’absence d’un regard, souvent dans le tourment des émotions. Ne demandez pas à Philippe Ketterlin pourquoi : il sait pourquoi il peint mais ne sait jamais pourquoi il a peint : il s’est laissé guidé par un fil dont lui-même ignore les points d’ancrage. De destinée, il n’y en a peut-être pas : d’une demi-heure à mille heures, Philippe est plus libre que le temps : il commence, s’arrête, reprend une œuvre. Il s’approche pour donner un coup de pinceau, de spatule ou de couteau, recule, revient, s’assoit, boit un bière, fume une Gitane, attend patiemment le lendemain, met parfois de côté pendant des mois… ou recouvre tout pour aller vers un ailleurs que lui-même ne connaît pas. Peu importe, nous sommes hors du temps, dans l’instant présent, sacré, de l’émotion. Ne cherchez pas non plus à rattacher les œuvres de Philippe Ketterlin à des périodes de sa vie : bleues, grises ou colorées, les couleurs sont entremêlées, car l’artiste est jongleur : à peine établi dans un style, il nous fait faux bond et passe des visages et corps aux variations de têtes de mort, puis sans crier gare, nous conduit dans de doux abstraits, éclate de rire dans des couleurs vives puis nous éblouit dans des jaunes rayonnants. En passant, Philippe aura sculpté avec du béton, du plâtre, du fer pour donner vie à de l’inattendu, surprenant et bouleversant. Philippe est libre d’agir ou de rester immobile, de peindre ou de sculpter, de parler ou de se taire. En œuvrant avec une telle liberté, Philippe nous offre aussi la nôtre : nous sommes libres d’aimer ou pas, mais aussi, parce que chaque œuvre est libre de tout message, nous sommes libres d’inventer notre propre histoire et de la réinventer chaque soir !

Marc Trichot

Par la confrontation du Destructuré représenté par les affiches déchirées, lacérées et délavées et du Structuré symbolisé par les lignes et les trames issues de ma profession d’architecte, ma démarche  tente d’équilibrer, de reconstruire voire de sublimer cette production urbaine éphémère à forte charge artistique.