Ahmet Dogan

Au fil du temps, je recueille, j’accumule des objets ou des images qui m’interpellent par leur potentiel, leur force poétique et politique.

Leur forme, leur couleur, leur mouvement, leur fonction, leur symbolique, leurs bruits sont autant de pistes que j’exploite et mets en scène. J’assemble des objets entre eux, des images,  je m’appuis par moment sur des details insignifiants pour créer des situations souvent décalés, ou absurdes, parfois poétiques. Ma démarche est parfois plus frontale (femmes voilées faites en bâtonnets glacés, ou le pentagone américain fabriqué avec des palettes en bois), ou alors fait intervenir des éléments qui interfèrent sur d’autres (soldats en plastiques placés sur des grains de maïs chauffés qui se mettent à éclater).

Je ne travaille pas un médium en particulier, et mes travaux peuvent se présenter sous forme de photos, d’installations, ou de vidéos.
Mon projet est généralement d’avoir une approche ironique, décalée presque insouciante pour heurter, et déconstruire un symbole pesant ou sensible et percevoir sa représentation sous un autre angle.

Justine Frémiot (Collectif Butane)

Membre du collectif Butane en tant que designer d’espace.
Les membres du collectif ont commencé à se réunir pour partager des moments de convivialité, qui ont débouché sur une envie de partager leur créativité et leurs talents. Le groupe est constitué de 6 graphistes et d’une designer d’espace. Tous les designers du collectif ont développé des spécificités qui permettent au collectif d’avoir une approche globale. De plus, les compétences et les activités propres à chacun sont diverses : photographie, vidéo, dessin, outils informatiques, volume..

Camille Auriere

Des instants fugitifs.
Des moments uniques.
Vouloir capturer le flux inexorable des choses.
En fin de compte observer et traduire.

Mon attention se porte sur tout ce qui est en transition.
Omniprésent mais passant inaperçu dans notre quotidien.
Le travail plastique témoigne de cette fragilité, de cet écoulement du temps.

De la respiration à l’érosion,
du flux sanguin au rythme des marées,
de la création à la destruction.

Chaque proposition, qu’elle soit vidéo ou sculpturale,
installation ou photographie, propose au spectateur une rencontre.
Ces rencontres tendent à devenir de plus en plus inattendues et éphémères,
jouant avec l’espace dans lequel elles s’inscrivent.

Delphine Gatinois

Lors d »une résidence dans la région du Veracruz au Mexique, j’ai renoué avec de précédentes investigations autour du monde agricole.
Je me suis penchée sur un costume social en particulier, un uniforme involontaire, celui des coupeurs de bananes. Je me suis aussi intéressée à des formes et des présences végétales ambivalentes pour ensuite les re contextualiser différemment. J’ai aussi reconstitué un nouveau fil historique de l’évolution agricole de cette région à travers une confrontation d’images et de boites noires évoquant le pourrissement et la collection. L’ensemble de ces recherches a pris la forme finale d’un musée à ciel ouvert sur les murs d’une ancienne coopérative de mais.

Il y a trois ans, Delphine Gatinois découvre la vallée du Thann et est saisie par des formes à l’arrêt : c’est l’hiver et les hautes structures en bois des bûchers sont alors plongées sous la neige. Pour la première fois de l’histoire de la tradition dans la région, ils n’avaient pas pu être mis à feu lors de l’été précédent. Mais cela leur aura permis de tenir une place dans le paysage qui donna à l’artiste la possibilité d’en faire la rencontre. Rencontre qu’elle décrit en ces termes : cet isolement leur donnait le caractère d’une ossature, des formes sculpturales qui se détachent et s’imposent dans leur rapport au paysage, dont elles sont faites. En suivre la piste, le trajet, est aussi pour elle une manière d’entrer dans cet endroit et de commencer à le comprendre. C’est toute une vallée, dont plusieurs des points culminants sont choisis chaque année pour y construire ces bûchers, qui les voyait se dresser et rester là, comme bloqués dans leur attente.

Depuis 2022, dans le cadre du soutien Mission de Territoire de la Région Grand Est, s’ouvre ainsi une recherche qui choisit de se placer sur le temps long. Un rapprochement que Delphine Gatinois va opérer sur plusieurs années, à observer des pratiques, collecter des objets, documenter les usages et les récits que la tradition agence autour d’elle. C’est tout un travail plastique qui s’élabore, configuré autour de différentes techniques de production et d’édition d’images : de la photographie documentaire, de l’expérimentation sur matériaux textiles, la création d’affiches grand format déployées dans l’espace public, et la réalisation d’une oeuvre vidéo à venir. Un travail plastique qui est traversé par des questions, nées du rapport qui s’établit entre un certain passé, dans lequel s’origine la tradition des Fackels, et le temps présent du monde dans lequel elle continue d’avoir lieu.
(Texte d’Hélène Soumaré)

Au coeur de cet atelier, elle poursuit en parallèle d’autres projets personnels comme Kèmè Kémé, entre danse et photographie ou Trois sillons, un regard sur la propriété terrienne et la circulation des espèces.

Lucie Guillemin

Je mets en avant le problème de la surface quant à la représentation du réel par un procédé de mise à plat, de dépliage et de découpe dans notre environnement-écran. J’accentue volontairement la bidimensionnalité pour jouer de l’illusion de profondeur.

Plus qu’un symptôme spatial contemporain, c’est un temps de pause dans un environnement instable qui permet de mieux retenir en mémoire. La suspension dans le temps est liée à la fixation d’un paysage, à un drame latent mais principalement à une immersion et à un isolement dans celui-ci. Je fais appel à cette propension au silence.

Susciter une déroute, une dislocation a pour but de mieux percevoir un ensemble. L’image est mise à l’épreuve. Je mets en valeur sa fragilisation car j’interroge son fantasme intrinsèque. J’utilise des matériaux précaires qui font que la forme puisse s’évanouir. Le dessin me permet la suggestion et le souvenir. Mes moyens d’expression plastiques sont réduits aux éléments les plus simples.

Zahra Poonawala

Née en 1983 en Suisse.
Traditionnellement les circuits de production et de diffusion tendent à organiser une séparation entre les espaces dédiés aux arts visuels et ceux des arts musicaux. Zahra Poonawala cherche au contraire à marier les sensations et à trouver un mode d’expression en rapport avec sa double formation de plasticienne et de musicienne. Elle interroge la naissance de l’harmonie, cette étincelle qui fait qu’un son devient l’objet d’une expérience spatiale, avec sa densité, sa présence, ou son absence. Elle est diplômée de la HEAR à Strasbourg en 2007 puis du Fresnoy, Studio National des arts Contemporains en 2012. Expositions (sélection): CAC de Vilnius, Lituanie ; LABoral Centro de Arte, Gijon, Espagne ; Nuit Blanche Bruxelles Belgique ; Kunsthalle de Mulhouse ; MACRO Rome, Italie avec notamment son installation sonore interactive TUTTI, qui a été exposée dernièrement à l’Aubette 1928 à Strasbourg lors de la REGIONALE 16 en Décembre 2015.

Thomas Lasbouygues

À l’affut de signaux (visuels, sonores) et de flux pré-existants dans les territoires qu’il parcourt en explorateur, Thomas Lasbouygues enregistre, capte, récolte des matériaux lui servant tout autant à documenter sa propre expérience qu’à créer des dispositifs engageant la question du point de vue — et sa subjectivité intrinsèque. Si l’utilisation des technologie de captation et de transmission est récurrente dans sa pratique, c’est parce qu’elle constitue un cadre perceptif que l’artiste détourne pour mieux le questionner. Conscient que les outils d’enregistrement qu’il utilise portent en eux des représentations potentielles et des temporalités qui leur sont propres, et par là même conditionnent les images qu’ils produisent et le regard que nous portons sur celles-ci, Thomas Lasbouygues nous interpellent : que fait la multitude de ces points de vues à notre manière de concevoir et d’appréhender les images ?

À travers l’articulation de multiples opérations d’émission, de réception, d’enregistrement, de captation, de diffusion, de projection… parfois successives, parfois synchrones, la pratique expérimentale et fictionnelle de l’artiste met en lumière un rapport médiatisé aux expériences et aux images, propre à déplacer la perception du spectateur vers un ailleurs qui tient finalement plus du monde parallèle que de la contrée exotique. In fine, en prenant appui sur le réel, l’artiste investit son enregistrement comme une forme narrative voire performative, propre à faire alors émerger de nouvelles terra incognita.

Emma Cozzani

Thomas est de ces artistes qui placent l’autre, avec un grand « A » au centre de leurs travaux. Lorsqu’il produit des oeuvres dont il porte seul la réalisation (vidéo ou installation) on pourrait dire de son travail qu’il est profondément
« politique ». Ce n’est pas pour autant qu’il est dépourvu d’humour voire carrément drôle. Mais Thomas Lasbouygues est aussi quelqu’un qui aime créer des duos, des trios, des groupes de travail. Il a un sens aigu de l’organisation et du partage du travail. Un vrai « mutualiste » ! C’est l’autre versant politique qui prend en compte la nécessaire solidarité entre artistes pour qu’une génération puisse construire les outils nécessaires à son épanouissement.

Pierre Mercier
Artiste, ancien professeur de la HEAR
et Coordinateur général des études, puis de l’option art

Gauthier Sibillat

Dans Ecce Homo, Nietzsche écrit: « ne prêter foi à aucune pensée qui ne soit soit pas née au grand air, pendant que l’on prend librement du mouvement ».
J’aurais tendance à penser la même chose en matière de photographie.

Gretel Weyer

Gretel Weyer fouille les symboles et les objets de l’enfance. Les œuvres matérialisent les peurs, les fascinations et les rêveries qui structurent ce qui est communément appelé « l’âge tendre ». Une tendresse que l’artiste vient fendre d’un malaise. L’innocence et la nostalgie laissent place au doute et à l’abandon. D’un seau s’échappent des crapauds, la fuite des princes charmants ? Sur et autour d’un banc traînent des masques animaliers : un loup, un élan, un putois et un ours. Les animaux, attachés à l’imagerie du conte, sont à la fois séduisants et effrayants. Les masques semblent avoir été abandonnés, la scène indique la fin du jeu. Sur des toiles de canevas, l’artiste brode des femmes endormies. Le sommeil se confond avec la mort. Elle travaille ainsi les notions de passages et de rituels auxquels les enfants sont confrontés de manière consciente ou inconsciente. L’humain et l’animal cohabitent de manière fragmentaire. La tête d’un garçonnet regarde le corps d’un oiseau mort. Des petites mains en céramique blanche sont introduites dans les gueules d’un loup, d’un ours, d’un cheval ou d’un cerf. À la lisière de deux mondes, elle fait dialoguer le danger et la bienveillance.

Un sentiment d’inquiétante étrangeté plane au-dessus de l’exposition où le temps est comme suspendu. 

Les sculptures de Gretel Weyer génèrent une transfiguration du réel par l’imaginaire. Par le détachement ou le saisissement, l’artistes parvient à ouvrir des espaces narratifs où les imaginaires (personnels et collectifs) peuvent à la fois s’exprimer et se réfugier.

Extrait de texte de Julie Crenn écrit dans le cadre de l’exposition des illusions, à la galerie Maïa Muller-Paris.

Clara Denidet

Clara Denidet
Née en 1991, en Bourgogne, vit et travaille à Strasbourg.

L’intérêt que je porte à ce que l’objet dit, m’enseigne des choses.
C’est une forme d’attention décentrée qui s’applique à débusquer cette capacité de
«faire avec». Loin de l’issue résignée, l’acte de composer, de bricoler tient du magique*.

Quand il est employé à faire ce pourquoi il n’a pas été prévu, à être ce qu’il n’est pas,
quand il devient un symbole, un outil, un langage ou un témoin, quand il est transmis, usé, transformé, l’objet est une prise.
Se pencher sur l’objet est une manière discrète d’étudier ses usagers. Chacun déploie face au chaos une foule de tactiques quotidiennes, habitudes et rites qui fondent nos manières d’habiter un environnement.
(La construction d’une charpente solide comprend le fait de «toucher du bois».)

Mon travail tient autant de la recherche anthropologique que du bricolage empiriste.
Je cherche dans la cohabitation de ces deux terrains des accès à ces savoirs internes et collectifs, ceux qui se logent dans l’usage de la langue, de l’objet, du quotidien… Ceux qui s’apprennent et se fabriquent.
Tout ça demande un effort d’attention, d’indiscrétion. L’œil cherche sans cesse le reflet d’une chose dans une autre, mise sur l’indice, navigue de la marge au centre. Le monde ordinaire, la micro-histoire deviennent par là des terrains de recherche où l’intuition se ferait outil de mesure, l’art une science inexacte.
Il s’agit aussi de présumer des liens entre les choses, de parier sur leurs échos comme
on s’essayerait à jeter des sorts.