Marie Van Gysel

Le bestiaire enflammé de Van Gysel

Il y a quelque chose d’antique dans tout ce que fait Marie Van Gysel. Une force animale qui nous précède. Dans ses motifs on découvre des empreintes de pieds nus, de mauvaises herbes et de ces choses mystérieuses dont on ne sait dire exactement la nature, cocons, graines ou fouillis d’arbres. Barbarie rauque et gazouillis, chants faux mais vrais, champs à labourer. Marie Van Gysel travaille à bras le corps, puise en elle comme d’un trou d’argile, en sort des images
qui nous percutent. La violence de sa sculpture se reçoit en douceur, par un miraculeux équilibre. Cire, laine, encres rouges, coquillages, feutre et tissus serrés, on sent le geste chaud pousser dans la matière. Elle donne à toucher des poupées les plus étranges: dans leurs grimaces ébahies on devine une tension, le souvenir d’un cauchemar, le battement d’un tambour poilu, la caresse des cailloux. Les monstres se sont échappés, et ils flamboient sous nos mains.
Sa horde de canards en feutre. Ils sont lourds et leurs regards se perdent derrière nous: rien ne nous dit leur age. Ils pourraient sortir d’un sarcophage, d’une caverne ou d’une barque depuis longtemps coulée. Des idoles qui s’offrent avec humilité. Les mères qui peuplent son univers: leurs seins et leurs sexes ébouriffés contiennent les légendes qui nous ont tous traversés un jour. Leurs mains exacerbées sont aussi génitrices. Nous voici confrontés à une crudité rare: nés d’un utérus, nous habitons aujourd’hui un corps matériel. Et même elle nous invite, carrément, dans des ventres vides où la température est idéale. On en devient sa créature, on a les ailes qui poussent. On se retrouve, un peu plus jeune. Marie Van Gysel travaille pour dénouer, pour guérir, pour vivre, pour jouir. Elle soulève dans son atelier des jupes insoupçonnées. Apparaissent alors des princesses callipyges et des loups débonnaires, des masques hagards, des figures grotesques, toutes étonnées d’être nées. C’est nous ! Dans le chaudron, la matrice, là où bout la gelée royale. Là où tout reste encore à faire.

Joseph Kieffer

Association A l’abord’Arts

Marc se définit en quelques mots: je suis natif de Schiltigheim, et mon père était professeur de dessin, depuis mon enfance je m’intéresse au dessin et à la peinture grâce à lui. J’ai travaillé de nombreuses années dans une agence de publicité, où je pratiquais la photo et la sérigraphie et bien d’autres techniques…

A 23 ans je décide de me consacrer entièrement à la peinture et au dessin. J’ai commencé dans un style surréaliste, allant jusqu’à l’abstraction. Après 3 ans de ces expériences, je me dirige vers l’expressionnisme pour aller vers des œuvres reliées au ressenti personnel, à la perception des autres et du monde. J’emploie des techniques diverses pour exprimer l’angoissante quête de l’humain.

Je viens d’exposer en décembre dernier au Mémorial d’Alsace Moselle, lieu qui m’a fortement marqué.

A l’occasion des ateliers ouverts 2016, Marc Dupuis met son espace à disposition pour ouvrir son atelier mais aussi représenter l’association « A l’abord’Arts » afin de la promouvoir et de la partager. En 2011, elle s’est construite sous la forme d’ une association à but non lucratif et humaniste. Manifester des phénomènes de société comme la Paix, cristalliser une dynamique artistique dans la Vallée. Des animations auront lieu avec Nico Gester alias LionKarès, et la Conterie des Hautes Chaumes.

Florence Rabiller

il pourrait s’agir
de récolter
de sélectionner
de collectionner
de confectionner
de conserver

Célie Falières

Utilisant le répertoire des sciences naturelles, des arts populaires et folkloriques, les objets que je fabrique sont autant de mises en formes d’une pensée latente. Je manipule les matériaux sans hiérarchie et cherche des points d’équilibre entre le pérenne et le périssable. La matière a son importance mais ce n’est pas nécessairement le sujet. C’est une narration qui suit sa propre syntaxe.

Françoise Amet

Autoriser sa main à restituer ce que son esprit a stocké dans sa mémoire, même au plus profond, laisser ses ressentis émerger. Gratter, creuser, tracer, marquer, entasser, superposer, palpiter, blesser, gaufrer, en un mot graver…. Il m’a fallu des années pour que mes racines ressortent de ma terre profonde et que mes empreintes bretonnes s’autorisent à émerger … elles arrivent , quel que soit le médium utilisé elles sont là, bien présentes, dans mes « terres d’Arrée », dans mes galets, dans mes « vues sur mer », mêlées et emmêlées à mes paysages des Vosges du nord ou vit mon atelier. Je peins et je grave, j’imprime mes racines.Certaines œuvres récentes mixent les deux techniques de la gravure et de l’aquarelle sur de discrets fonds gaufrés tout en subtilité.« Autant j’aime les couleurs de l’aquarelles autant je me réjouis de la sobriété des estampes monochromes et des gaufrages discrets. »

Paul Béranger

De la peinture par le collage
« Plutôt peindre que parler. Se mettre à l’écart, laisser le silence s’installer, les couleurs tomber au fond, la composition s’établir, la lumière transparaître sous le papier qui la voile et la dévoile en même temps. Puis reprendre le même format et avec le pinceau dans le geste indéfiniment repris de la main, faire monter les couleurs, apparaître une autre lumière. Enfin, côte à côte chercher l’accord, établir des continuités, augmenter les dissonances, jusqu’à un être commun naisse de l’unité si longtemps recherchée de deux individus, de matière et de gestuelle différente.
La peinture longuement travaillée, couche après couche, vague après vague recouverte, découverte enfin comme une terre promise qui nous attendait, si proche. Jour après jour, bêché, gratté, aplani, ensemencé, l’atelier est un jardin où poussent les couleurs : rien à identifier, cataloguer ou classer (ce n’est pas de la botanique mais de la peinture), seulement s’asseoir, prendre le temps, attendre que les brumes se lèvent, s’émerveiller pour rien, comme un enfant qui joue, contempler la présence amicale du monde, comme un jardinier son jardin.

A mesure que le silence s’approfondit peut monter la lumière. S’il arrive à rejoindre les hautes intensités, un regard incisif la découvre, pénétrant tout comme un souffle. Ce n’est pas en enlevant la matière qu’on l’atteind mais en la travaillant : faire sortir la lumière du papier et aussi de soi, de la matière humaine, que la main illumine le pinceau avec une infinie délicatesse. La peinture doit se faire transparente pour laisser la lumière passer, légère, aérienne, fragile.

Patiemment Paul fait du papier de soi, dispense discrètement sa lumière en silence, délicatement nous invite à regarder au-dedans, accepter la fragilité, ne pas avoir peur de s’effacer, accéder à la vraie douceur qui est la seule force, effleurer un instant l’impossible sérénité. La lumière ne vient pas sur les choses et les êtres mais les illuminent.
Sa Peinture vous fera du bien, vous remplia de sérénité, si vous lui laissez le temps de venir jusqu’à vous, vous respirerez mieux.
Texte d’Emmanuel Esteve (Galerie 26, rue St jean 69005 Lyon)

Tania Tolstoï

Plasticienne principalement autodidacte, je pratique la sculpture d’assemblage à partir d’objets de récupération avec pour support privilégié la boîte sans couvercle. Je crée également des panneaux en volumes et je pratique la linogravure.
Les objets anciens et le rebut du quotidien, porteurs de vécu et d’histoire, m’en inspirent mille et unes nouvelles que je mets en scène dans mes compositions sur le mode de la combinaison. La boîte sans couvercle est pour moi à l’image de la conscience humaine, cloisonné par ses repères et ses références mais ouverte sur une infinité d’univers, réels où imaginaires, à explorer. Je travaille notamment autour des thèmes de la mémoire, des traces, du (des) langage(s) et des fragilités qui font la richesse de l’humain.
Je me sens proche des créateurs de l’Art Singulier.

Myriam Fischer

Forte de son parcours de 17 années d’expressions artistiques, de 10 autres d’enseignement, d’expositions… elle joue et se déjoue des couleurs tout au long de son chemin de vie à Strasbourg et aime avoir plusieurs cordes à son arc.
Ainsi naquit son slogan : « LA COULEUR, C’EST LA VIE ! »
Artiste – Peintre autodidacte dans un premier temps, puis formée à « la Haute Ecole des Arts du Rhin » de Strasbourg, elle devient coloriste et en imprègne sa vie – Enseignante, métier dans lequel elle proclame que l’inédit peut révéler les valeurs de chacun et que partager et transmettre pleinement seront toujours les maîtres mots de sa vie d’artiste pour se renouveler.
Femme humaniste avant tout et relevant le défi de développer incessamment son potentiel illimité, elle continue, à 47 ans, de distiller sa passion pour la couleur, notamment à travers son nouveau projet dédié à la soierie. Myriam Fischer devient donc fondatrice et créatrice de la marque Myrisia Créations et s’installe à Weitbruch.

Jimin Song

Ce que devient l’instant…

Jimin Song travaille à la croisée de plusieurs disciplines : photographie, dessin, poésie et art (ou arts) du livre, mais aussi restauration et conservation d’ouvrages anciens.
Tout l’art, chez elle, consiste à produire une « cristallisation émotionnelle » autour et à partir d’un fragment de réelau préalablement isolé, médité et bercé par la pensée.
Perles précieuses du souvenir : tantôt clairs et limpides, tantôt obscurs et confus, des instants familiers parfois dérisoires continuent de vivre en nous ou bien sur le papier.
Trace, effacement, mémoire, intimité mais aussi voir et toucher : voici donc ce dont il est question avec ses « objets-livres », tel cet ouvrage rêveur et alchimique qui procède par apparitions et disparitions, petites épiphanies et fragiles révélations. Comme si nous plongions un papier photo-sensible dans un bain de révélateur, il faut en humecter les pages afin de les rendre momentanément transparentes et commencer à voir à travers elles.
Il y a aussi ces livres aux pages diaphanes consacrées à un escargot ou bien à des pigeons, de petits êtres familiers évoquant l’univers des contes pour enfants et incidemment quelques états d’âme difficilement formulables : destin esseulé de l’hermaphrodite ou paradoxe d’une créature vivant tantôt à ras de terre, tantôt en plein ciel.
Le travail peut encore prendre la forme d’un livre-ceinture à nouer à sa taille, comme le ferait un voyageur désireux de protéger ses biens les plus précieux en les attachant solidement à lui. C’est un curieux opus fait de longues et fines feuilles formant une boucle, sur lesquelles s’inscrit le souvenir imagé d’un périple nocturne en train : paysages engloutis par l’obscurité auxquels se superpose le reflet fugace du visage de l’artiste dans la fenêtre du compartiment.
Sa série de photographies en noir et blanc « Les mots présents » semble suggérer que tous ses livres ne sont que la version un peu plus développée de ces pensées-bêtes qu’il nous arrive d’écrire au dos ou au creux de la paume de nos mains.
Avec « Mes poèmes préférés », l’artiste transforme la litanies de remontrances affectueuses ou agacées qu’un père adresse à sa fille en un bouquet de haïkus intimistes. Ce sont des mots simples, des expressions familières que nous avons tous déjà entendu avant même de les lire ; une manière pour elle se souligner que « le plus personnel est aussi le plus universel ».
En se réappropriant les traces et les empreintes de défunts inconnus, elle explore aussi la mémoire et le temps de l’histoire. Elle accumule et retravaille des photographies d’enfants anonymes tirées d’images d’archives de la guerre de Corée afin de leur édifier un paisible et souriant mausolée.
Les instants disparus ressurgissent ; de-ci de-là les lueurs vacillantes du souvenir nous guide à travers la nuit de l’oubli. Embarqués sur de frêles esquifs, nous dérivons ensemble au gré des courants sur le fleuve du temps.

David Rosenberg
Paris, janvier 2010